29 mai 23
Dodin-Bouffant, Un San Antonio gastronome croqué par Daumier
Un grand classique de la littérature gourmande mis en BD par un très jeune illustrateur belge. Spublié en 2014 chez Dargaud ous une couverture rose et or à la Comtesse de Ségur, u n graphisme à la Daumier quand ce graveur-caricaturiste du 19ème siècle mettait à mal les travers de ses contemporains... C'est à cette surprenante -et très réussie- alchimie que l'on doit ce roman graphique relatant "La passion de Dodin-Bouffant", . Alchimie entre un personnage que San Antonio n'aurait pas renié, emblématique de la bourgeoisie provinciale des 18 et 19èmes siècles sorti de l'imagination de Marcel Rouff, un auteur très oublié aujourd'hui, et un tout jeune diplômé en design industriel de l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Visuels (La Cambre), né à Bruxelles il y a juste 30 ans.
Pour son premier album en solo à l'époque (il avait déjà dessiné chez Dargaud la BD le dessinateur Mathieu Burniat se fait scénariste pour narrer les aventures de Dodin-Bouffant, un personnage haut en couleurs Shrimp), en quête de la cuisinière capable de lui préparer une anguille à la poulette, une matelotte de lamproie, un homard à la royale ou des rôties à la moëlle dignes de ceux que lui mitonnait sa défunte servante
Un truculent Bérurier san-antoniesque -homérique par ses colères, tyrannique dans son amour inconditionnel de la bonne chère mais timide et pudique comme un jouvenceau- inspiré à la fois par Brillat-Savarin et par le personnage très curnonskiesque décrit par Marcel Rouff dans "La vie et la passion de Dodin-Bouffant, gourmet".
Compagnon de Curnonski (dit "Le Prince des gastronomes") avec qui il rédigea dans les années 1920 les 24 volumes de " La France gastronomique. Guide des merveilles culinaires et des bonnes auberges françaises" et avec qui il fonda l' Académie des gastronomes, Marcel Rouff (1877-1936) n'est passé à la postérité que comme géniteur de ce passionné de gastronomie qui ressemble comme deux gouttes d'eau à son ami Curnonsky. Un ami avec qui il partageait l'amour d'une " cuisine simple, exacerbant au mieux les saveurs des terroirs et dénuée d'assemblages compliquées qui dissimulent le goût des aliments ".
Au fil des planches peuplées d'angelots replets, de paysans rustiques, de " grands de ce monde" plutôt cocasses et ridicules, parsemées de recettes et de mets alléchants, Mathieu évoque avec brio le célèbre pot au feu que Dodin Bouffant fait servir au Prince d'Eurasie dans le livre de Marcel Rouff. Un festin entré dans la légende de l'art culinaire à la française, plusieurs grands chefs, comme Raymond Oliver, Jacques Manière, Yannick Alléno et Jean-François Piège, s'étant attaqués à cet Himalaya de la gastronomie française.
Une BD indispensable pour qui a un goût de la lecture aussi gros que l'appétit. A lire ou à relire avant novembre 2023, quand sortira dans les salles le film éponyme du réalisateur Tran Anh Hung, Prix de la Mise en scène au 76ème Festival de Cannes.
La passion de Dodin Bouffant, Mathieu Burniat, Editions Dargaud