24 févr. 23
Dans la cuisine des apprenties geishas
(Photos Netflix) 
Umeboshi, takoyaki, tempura, oyakodon, udon, gyoza, dashi, kakimochi, nabekko,... La gourmandise, le plaisir de manger ensemble, la joie de cuisiner pour les autres, le souvenir des plats de l'enfance, la préparation et la dégustation de délices salés ou sucrés sont autant de moments-charnière qui ponctuent les 9 épisodes de la série Makanai. Dans la cuisine des maiko signée par le réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda.
Dans ce e série adaptée du récit d'apprentissage disponible sur Netflix à partir de janvier 2023, le réalisateur de manga de Aiko Koyama , publié depuis 2016 dans le magazine Weekly Shônen Sunday de la maison d'édition Shogakukan et qui en était à son 21ème tome fin 2022. Une affaire de famille (film qui lui a valu la Palme d'or du Festival de Cannes 2018) nous fait partager le quotidien et ressentir l'évolution de deux jeunes filles qui ont quitté leur village natal d'Aomori pour Kyoto afin de réaliser leur rêve: être admise comme maiko (novice) et devenir geisha. Un
Dans l'univers feutré d'une pension d'un vieux quartier de Kyoto dirigée par la Mère, une femme d'expérience et d'âge mûr, Sumire et Kiyo se préparent à l'exigeant métier de geisha. Les journées des deux adolescentes et des autres novices de la yakata sont rythmées par les cours de gestuelle Mai, cette danse traditionnelle du Théâtre Nô née au 14ème siècle, sorte de " poème en mouvement" dont la maitrise requiert engagement, endurance et talents .
Moins douée pour l'ikebana et l'art du Mai que son amie Simure, Kiyo comprendra très vite que son destin est ailleurs et endossera, malgré son jeune âge, le rôle de makanai, la cuisinière qui seconde la Mère dans la gestion de la yakata. Elle y trouvera sa vocation tandis que Sumire révèlera ses qualités de future geisha.
Centre névralgique de l'école et lieu d'échanges et de partage, la cuisine où Kiyo la makanai découvre le bonheur de réconforter les corps et les coeurs des jeunes maiko, éprouvées par la dureté de l'enseignement et par la solitude loin de leurs familles et amis.
Spécialités de la gastronomie nippone mais aussi biscuits au citron, pain perdu ou pudding aux connotations plus occidentales sont autant d'occasions pour les soeurs (c'est ainsi qu'elles doivent se considérer entre elles, selon les usages) de " faire famille" au coeur de cette prison dorée au charme surrané, tout en recherchant chacune à leur manière leur propre émancipation dans cet univers ultra-codifé.
Lors de ses quelques échappées en ville, le réalisateur prend le temps de montrer la jeune cuisinière en train de se confronter au monde des adultes (quand elle tente en vain de gagner une machine à pain à la tombola du marché !) et d'entrevoir les nouveaux horizons que l'apprentissage de l'art culinaire lui réserve. Comme acheter du tofu soyeux, rechercher les meilleurs ingrédients pour faire un dashi, s'attarder sur les qualités culinaires de la bonite séchée Katsuoboshi pour préparer okonomiyaki et ou encore apprendre d'une vieille marchande les vertus gastronomiques d'une algue naturelle, le Kombu Rausu, "bien meilleure que les produits en poudre des supermarchés".
Une série attachante et d'une fascinante beauté, où la fragilité des sentiments s'efface devant la force du destin, où un art ancestral réservé aux femmes parvient à composer avec les injonctions mercantiles du monde masculin, et ou, à la grâce poudrée et figée du maquillage des maiko, répond la prosaïque ébullition de la friture des tempura.