29 janv. 23
Les mille et une vies de La famille Asada
Employés dans restaurant de ramen... Grimés et déguisés en doubles idéalisés d'eux-mêmes, les Asada s'amusent régulièrement à poser devant l'appareil de l'un de leurs deux fils . Un autre jour, ils seront pompiers, artistes d'un groupe de rock, yakuzas ou encore pilotes de Formule 1.
Sorti en France fin janvier 2023, le film La Famille Asada a été inspiré au réalisateur japonais Ryôta Nakano par une histoire vraie. Celle de Masashi -le cadet Asada devenu photographe- qui avait rassemblé dans un joyeux album les photos immortalisant ses parents et son frère aîné qu'il mettait en scène depuis ses 12 ans dans des moments de vie rêvée, bien éloignés de leur train-train quotidien. Mais c'est une autre partie de la vie de Masashi Asada qui a donné au réalisateur le thème de son film.
Après le tsunami qui a touché l'est du Japon en mars 2011, le photographe s'est engagé comme bénévole dans les zones sinistrées avec pour mission de "sauver" les photos et albums de famille perdus ou dispersés dans l'effondrement des maisons. En récupérant et en nettoyant ces précieux signes du passé, et en les restituant à leurs propriétaires ou aux familles des morts, Masashi s'est penché sur les souvenirs des autres: photos de famille prises par des anonymes, photos de classe, photos de vacances...
Seules traces laissées par les victimes du tsunami, ils avaient pris une valeur inestimable. " Alors que nous vivons entourés de nombreux objets qui nous sont chers, j'ai été surpris de voir que les photos étaient la première chose que les gens voulaient sauver, témoigne le photographe. Et le fait d'avoir contribué à l'opération de nettoyage m'a permis de me reconnecter avec le véritable pouvoir des photos, car c'est à cet instant que j'ai compris que les véritables photos étaient les plus anodines, celles prises par un membre de la famille".
Pour le réalisateur Ryôta Nakano qui savait depuis plusieurs années qu'en tant que créateur, il lui faudrait un jour parler du grand séisme du Tôhoku à travers la fiction, c'est le déclic. Avec l'histoire de Masashi Asada, il sait qu'il pourra réussir à évoquer ces douloureux événements et à passer de l'humour au drame sans que cela pose de problèmes.
Recréant avec des acteurs les séances-photos des jours heureux de la famille Asada, le réalisateur reproduit les situations vécues des années plus tôt par le photographe avec ses parents et son frère. "À travers l'objectif, j'ai vraiment eu l'impression de voir ma famille à la place des acteurs, c'était fou, ils leur ressemblaient vraiment comme deux gouttes d'eau" , raconte Masashi.
Le photographe et son double de cinéma
Seule Riko n'est pas inspirée par un personnage réel. " J e pense que c'est un personnage qui est né de tous les entretiens que j'ai menés avec des victimes de la catastrophe, explique Ryôta Nakano . Elle incarne le désir de tous ceux qui ont perdu leur famille et qui cherchent à les retrouver à travers les photos. De ceux qui m'ont dit que " même si leur maison avait été emportée, tant qu'ils étaient en vie, ils pourraient toujours se relever. Puis j'ai réalisé que sur la plupart des photos de famille, le père ou la mère est absent car caché(e) derrière l'objectif. C'est là que le personnage de Riko m'est vraiment apparu".
Né en 1973 à Kyoto, Ryôta Nakano a fait ses débuts en tant qu'assistant-réalisateur et réalisateur à la télévision. Son premier long-métrage Capturing Dad (2012) a été sélectionné au Festival International du film de Berlin, et il a réalisé son deuxième long-métrage Her Love Boils Bathwater en 2016. Ses derniers films A Long Goodbye et La Famille Asada sont des succès publics au Japon: ce dernier a déjà réuni plus d'un million de spectateurs japonais.