Ce matin, alors que j'essayais d'enfiler le fil à travers le chas de l'aiguille, ces derniers se sont mis à bouger comme si j'avais deux rebelles en face de moi qui refusaient de m'obéir.
"A bouger?", vous demandez-vous.
Ok, je l'avoue, même avec les lunettes chaussées sur mon nez, le chas rétrécissait et le fil était indomptable. Bref, tout était flou.
Alors, j'ai tendu à ma fille ces deux engins de torture et, elle a, sans difficulté aucune, enfilait le fil à travers le chas.
Et voilà, j'y suis. C'est acté, je suis passée de l'autre côté.
Mais de quel côté?
De celui qui ne peut plus mettre le fil dans le chas de l'aiguille.
Et pourtant, il me semble que, ( mais là aussi la mémoire me joue sûrement des tours, c'est également un des symptômes du passage de l'autre côté), il n'y a pas si longtemps que ça, c'était à moi que ma grand-mère tendait le fil et l'aiguille en me disant "toi qui as de jeunes yeux..."
Il y a quelques jours, ma fille me dit "maman, de ton temps..."
Je n'ai absolument pas entendu la suite. Non que je sois devenue sourde (de ce côté les oreilles fonctionnent encore bien, quoique...il m'arrive quand même de faire répéter) mais tout simplement parce que le "de ton temps" m'a assommée.
Comment ça "de mon temps"?
Elle est à moi cette expression. Je l'emploie pour parler à ma grand-mère, bon, pas à mes parents car je pense qu'ils le prendraient aussi mal que moi ( il faut dire que j'ai à peine dix-huit ans d'écart avec ma mère et 21 avec mon père).
Mais bon sang de bon soir, je ne suis pas vieille! J'ai simplement avancer dans la vie et j'en suis heureuse.
Si, si, j'en suis heureuse.
Et mon temps, il n'est pas si ancien. Faut quand même pas pousser mémé dans les orties.
Attention, ne vous méprenez pas, ce n'est pas moi que je traite de mémé :-)
Progresser dans l'age (vous avez vu, c'est plus joli que vieillir non?), c'est agrandir sa boite à expériences, chaque ride supplémentaire racontant une histoire, et la peau sous les bras qui ramollit me donne l'élégance d'un papillon. Bon, certains appellent ça la peau chauve-souris. Je vous laisse méditer...
Ah les doux moments où vos potes vous disent "t'as des photos de ton mariage"?
Là, vous le savez de suite, ça va piquer fort. Ce sera plus douloureux que la piqûre d'un taon, tiens même d'un frelon.
Vous pourriez tout aussi bien leur répondre : " le chien a dévoré l'album", ou "on a tout perdu dans le dernier déménagement".
Cependant, il y a tout au fond de vous, cette petite pointe de coquetterie qui vous fait penser que vos amis vont clamer " mais ma chérie, tu n'as absolument pas changer en 20 ans!".
Alors, vous posez l'album devant eux. Là, je dois dire que vous êtes tombé dans la case "kamikaze".
"Ah ouais, quand même! Vous étiez jeunes! Qu'est-ce qu'on peut changer!"
Ok, c'est bon, on remballe tout le matériel.
Et tout à coup, vos filles attrapent l'album et se mettent à crier : "oh maman, regarde comme on te ressemble! Cela veut dire qu'on sera aussi jolies que toi plus tard? Alors, on a de la chance."
Et votre chéri vous prend dans ses bras et clame qu'à ses yeux vous êtes encore plus belle qu'avant.
Vieillir ce n'est pas diminuer, ce n'est pas perdre. Vieillir c'est augmenter son champ des possibles et des infinis, c'est gagner en harmonie et en patience. C'est voir sa famille et celle de ses amis s'agrandir, c'est échanger des souvenirs, c'est progresser, c'est oublier et pardonner, c'est aller à l'essentiel et mettre de côté futilités et accessoires inutiles.
Vieillir c'est oser sortir sans maquillage parce que nos rides c'est ce qu'on a de plus beau. C'est rallonger les robes parce qu'une mamy ça met pas de mini-jupes (quoique...)
Vieillir, c'est poser un regard rassurant sur ses enfants et petits-enfants. C'est enfin avoir le temps pour eux, et ce temps pour eux c'est du temps pour soi.
C'est tenir une petite main et laisser une main plus âgée serrer la sienne...
Une de mes amies a fait cette réflexion : " j'aimerais avoir de nouveau 20 ans mais avec la maturité que j'ai acquise".
Pas moi, j'ai aimé avoir 20 ans avec toutes les incertitudes de cet âge, j'ai aimé avoir 30 ans avec toutes les constructions professionnelles et familiales, j'ai adoré avoir 40 ans avec la luminosité que ces années donnent à la femme et la cinquantaine approchant ne m'effraie pas car je sens qu'elle va m'apporter la paix et la sérénité, deux éléments qui, à présent, me sont indispensable et qui, petit à petit, parviennent à irradier ma vie et celle de mes proches.
Petite conclusion légère : on est toujours le vieux de quelqu'un et le jeune de quelqu'un d'autre.
Je vous laisse méditer et serai ravie de lire vos commentaires sur ce thème.
Avec toute mon affection...