Un voyage dans le temps… – Fèves à la croque au sel

Il y a quelque chose que je mange presque tous les jours en ce moment, parfois en entrée, parfois debout dans la cuisine en faisant autre chose : des fèves à la croque au sel. Et après le commentaire d’un ami sur une photo que j’ai postée sur l’Instagram de Lutsubo, j’ai pris conscience que non seulement ce n’est pas si courant mais que c’est régressif pour certain. 
Ca l’est pour moi aussi. Même si j’ai grandi en ville, enfant, j’allais à la campagne tous les étés chez une de mes grands-mères qui cultivait ses fruits et ses légumes dans sa propriété. Elle y passait ses journées et y travaillait sans cesse. Pour moi c’était un enchantement. Et je l’aidais du mieux que je pouvais : arrosage, cueillette, sarclage… Je me rappelle les fruits et légumes qui poussaient, qui murissaient, qu’on ramassait et qu’on stockait de manière traditionnelles, comme ces pommes dans une pièce fraîche de la maisonnette, en prévision de l’hiver dans des cageots qui embaumaient, mais aussi les confitures, les conserves… Elle avait un grand potager et au fond des arbres fruitiers.
Je me souviens encore du goût des reinettes qui étaient sa grande fierté ou des griottes qu’elle appelait guinettes. J’allais aussi me perdre dans le framboisier qui faisait deux ou trois fois ma taille et j’en ressortais avec des trésors. Je n’ai jamais retrouvé le goût de ces framboises, mais c’est normal car il est intimement lié à ces moments et à ces lieux. C’est aussi avec elle que j’ai découvert les fraises des bois, dont j’ai une petite jardinière qui repousse chaque année sur mon balcon depuis plus de 10 ans ; chaque fraise que je déguste, une trentaine par an tout au plus, est une vraie régression dans le temps. On allait aussi dans les bois avoisinant à la fin du mois d’août chercher des champignons oranges qu’elle appelait des catalans et à la saison, on cueillait des arbouses. Je n’ai  jamais rencontré ni l’un ni l’autre depuis.
Elle préparait et mangeait tout ce qu’elle cultivait avec un rituel qui semblait ancestral qui m’impressionnait beaucoup. Elle avait été épicière pendant la guerre de 40 et elle adorait chacun de ses produits. Elle pouvait faire une docte conférence sur le moindre radis ou sur une griotte. La confection des confitures était une cérémonie qui durait deux ou trois jours. Je n’en perdais pas une miette et je buvais ses paroles.

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C’est avec elle que j’ai appris à déguster les fèves de la façon qui est restée ma préférée. Et je n’avais pas réalisé avant cet échange avec mon ami combien cela remontait loin pour moi. Depuis des années, même à mes débuts parisiens où j’achetais mes légumes dans des supermarchés, je me jetais sur les premières fèves, je m’en achetais une dizaine que je dégustais, sans même y penser, à la croque au sel. Et c’était tout jusqu’à l’année suivante.
Maintenant je trouve des légumes de qualité et des fèves très fraîches, c’est encore meilleur. Si vous n’avez jamais croqué dans une petite fève crue, tout juste écossée, avec juste un peu de sel, faites-le… vous verrez.
Vous y trouverez peut-être un souvenir enfoui vous aussi. Ou juste un plaisir gustatif si simple qu’on pourrait l’oublier.
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Fèves à la croque au sel

Ingrédients et « préparation »

  • Des fèves, autant que vous voulez…
  • Du sel, à votre goût
  • Du pain et du beurre , mais ce n’est pas indispensable (même si c’est délicieux aussi)

Choisissez des fèves fraîches et pas trop grosses. Ecossez-les. Retirez éventuellement de la pointe d’un couteau la peau des plus dures, si elle vous semble épaisse. Inutile de les laver puisqu’elles sortent de leur cosse protectrice.

Placez sur une assiette, ou dans le creux de la main😉 et dégustez en trempant dans un peu de sel, comme des radis. Moi j’aime bien les croquer à une extrémité et la tremper ensuite dans le sel qui adhère mieux…

Bon appétit ! Et bon voyage…

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Et pour prolonger la nostalgie :

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Les premières fraises de la saison, sur mon balcon ce matin