Remettre le sauvage au coeur de sa cuisine

08 déc. 23

Remettre le sauvage au coeur de sa cuisine

Remettre le sauvage au coeur de sa cuisine(Photos Anne-Claire Héraud) Remettre le sauvage au coeur de sa cuisineRemettre le sauvage au coeur de sa cuisineRemettre le sauvage au coeur de sa cuisineRemettre le sauvage au coeur de sa cuisineRemettre le sauvage au coeur de sa cuisineRemettre le sauvage au coeur de sa cuisine (Illustrations Daruis Chapuis) (Photos Hélène Fouque et TheArchivistsBlog) Remettre le sauvage au coeur de sa cuisineRemettre le sauvage au coeur de sa cuisineRemettre le sauvage au coeur de sa cuisine Remettre le sauvage au coeur de sa cuisine

Des champignons ramassés dans les forêts du Vexin quand elle était enfant, Jill Cousin a gardé un sens aigu du vivant et une profonde attirance pour tout ce qui, dans la nature, peut se révèler source de nourriture et de plaisirs gustatifs. Une expérience intime qui a pesé dans son engagement en faveur de l'alimentation durable et qui l'a amenée à co-fonder à Marseille où elle s'est installée Provisions, une librairie-épicerie-cave-restaurant.

Photographe exploratrice des modes de production alternatifs et durables, dans l'agriculture comme dans l'artisanat, et de celles et ceux qui les mettent en oeuvre, Anne-Claire Héraud semble partager avec Jill un grand nombre de centres d'intérêt et avoir avec elle des projets de vie parallèles. Elle a par exemple créé à l'été 2022, dans son village d'adoption du Loiret, un lieu de vie qui fait à la fois office de café et de restaurant associatif sous le nom de .

Recettes de la nature, arpenter le paysage, Jill Cousin, Anne-Claire Héraud, Darius Chapuis, Claire Peresotti, Editions Tana

Dans Recettes de la nature, publié en octobre 2023 aux Editions Tana, les deux jeunes femmes font converger les bonnes pratiques culinaires et le manger vrai dans l'exploration des "biens communs comestibles", ces trésors de nourritures savoureuses que l'on peut glaner autour de soi en chassant, pêchant, cueillant, dans les bois, les prés, les champs, les rivières, les lacs, les bords de mer... ces espaces sauvages non cultivés dont la France est encore riche.

condition -insistent les auteures- que cela se fasse en " Arpenter le paysage pour y trouver de quoi se restaurer, certes, à dilettante", sans obsession de productivité, d'efficacité ou de rendement, dans le respect du vivant et dans la perspective de préserver les écosystèmes traversés. Et donc que champignons, fruits, baies, poissons d'eau douce, gibiers, fleurs, algues, fruits de mer, crustacés, herbes, plantes aromatiques que l'on extraie de la nature le soient en temps et en heure, à la bonne saison, avec discernement, afin que les stocks laissés en place restent disponibles pour d'autres glaneurs à venir et que "ces biens communs prélevés pour la subsistance ou le simple plaisir de quelques uns" ne soient pas gaspillés ou dilapidés.

A partir de reportages réalisés aux quatre coins de la France, dans des biotopes très divers, à la rencontre d'adeptes et de pratiquant(e)s de ces activités de subsistance, Jill Cousin propose des recettes parrainées par des cuisinie(è)r(e)s amateurs ou pro, pour apprendre aux urbains à accommoder ces produits de la nature et à remettre du sauvage dans sa cuisine.

A l'image des Ravioles aux morilles de la Cheffe Johanna Solal, de la Poêlée de girolles de l'auteure Claire Bastier, des Gâteaux noisette à la vapeur de Paule Masson , propriétaire des Jardins de Mala, de l'Oyster Cider party du journaliste Dominique Hutin, des Bánh cuon aux chanterelles de la Cheffe Lou-Hannah Chapuis, de la Bisque aux écrevisses de la Cheffe Jennifer Hart-Smith, des Beignets aux algues de la Cheffe Minou Sabahi, du Lapin au babeurre et aux herbes du fromager Pierre Coulon ou encore du fromage à la feuille de figuier de la fromagère Madeleine Desportes.

Efficace dans sa collecte de recettes mettant en valeur des végétaux ou d'animaux (plus ou moins) simples à collecter dans la nature, l'ouvrage séduit dans son plaidoyer pour une autre manière d'appréhender le vivant.

Même si derrière l' apparente simplicité de cette réintroduction du sauvage dans nos assiettes prônée par Jill Cousin et Anne-Claire Héraud, se cache en réalité pour beaucoup un monde inconnu entièrement à apprivoiser. Combien d'entre nous sont capables d'identifier un coin à écrevisses et d'attraper ces " crustacés décapodes d'eau douce" pour en faire une bisque ? Qui sait reconnaître encore l' Hélicrysum italicum parmi les immortelles présentes dans le maquis corse ?

Difficile également d'adhérer à la vision idéalisée de la chasse que défendent les auteures. Quelle proportion de gibiers est réellement abattue dans le cadre d'une activité légitime car "paysanne et nourricière", plutôt que dans une pratique " bourgeoise et patriarcal e", très éloignée des impératifs de subsistance, de citadins indifférents à la ruralité et peu soucieux du respect du vivant ?

Reste la belle leçon de vie de cet ouvrage aussi sincère que militant. Intégrer les biens communs comestibles dans son alimentation, nous disent Jill Cousin et Anne-Claire Hénaud Arpenter le paysage pour repenser notre alimentation, beau programme. ", c'est apprendre à ouvrir l'œil, c'est faire attention à l'endroit où l'on met les pieds, à observer attentivement le territoire dans lequel on évolue, c'est écouter le chant des oiseaux, et c'est aussi sentir les saisons".