13 oct. 23
Vermicelles et coquillettes, Petite et grande histoire des pâtes industrielles
Qui était Monsieur Panzani ? Comment et quand les pâtes alimentaires sèches sont-elles devenues un produit d'épicerie courant ? A quoi correspondait le métier de vermicellier ? Quels entrepreneurs se cachent derrière des marques comme Barilla, Rivoire & Carret, Lustucru ?
Histoire d'une industrie alimentaire française, publié en juin 2023 aux Presses Universitaires François Rabelais ,Pierre-Antoine Dessaux raconte l'histoire et l'essor des pâtes industrielles, ce produit-phare de la culture alimentaire et de l'industrie agroalimentaire hexagonale.
" Malgré les doutes et les méfiances engendrés par les crises et scandales qui se succèdent depuis la fin du 20ème siècle, les produits alimentaires sont depuis longtemps au coeur de nos consommations". Car c'est bien par des processus industriels que nous nous nourrissons (83% de nos dépenses alimentaires sont consacrées à des produits transformés) et, avec la meunerie, la sucrerie, les alcools, la chocolaterie,... le secteur des pâtes alimentaires est au coeur du long processus d'industrialisation de notre alimentation.
C'est ce qu'on appelle une culture universelle. Dans toutes les contrées où on cultive des céréales, les populations font des préparations à base de pâtes et s'en nourrissent. A côté des produits laminés à consommer sans attendre comme les vitelots, les lozans, les crozets qui étaient considérés comme des aliments pour les " jours maigres", la tradition des pâtes sèches est apparue en Méditerranée, au Proche et Moyen-Orient, avec les semoules de couscous et boulettes, fideis, fideos, vermicelli, macaroni et autres lasagnes.
A Paris dès le milieu du 18ème siècle, la production et la vente de vermicelles et autres petites pâtes répond à des préconisations culinaires, diététiques voire gourmandes. Pour le Chef Antonin Carême, bouillons, soupes et potages aux vermicelles sont d'ailleurs des "agents provocateurs d'un bon repas". Au 19ème siècle, dans les milieux aisés urbains comme dans ces nouveaux lieux que sont les restaurants, la soupe de vermicelles et le gratin de macaronis sont souvent au menu. Dans les années 1850, un Parisien consomme chaque année environ 2kg de ces produits.
D'abord circonscrite à Paris puis à des villes comme Clermont-Ferrand, berceau des "pâtes d'Auvergne", la production des pâtes va bénéficier de l'industrialisation du travail des grains et, grâce aux blés importés de Russie, d'Ukraine ou d'Algérie, de l'affirmation de grands ports, dont Marseille qui voit la création d'une nouvelle filière de semoulerie. Vient ensuite le temps des stratégies de marques nationales dont on retrouve les traces dans les publicités de la Belle Epoque signées Rivoire & Carret, Ferrand, Renaud....
Pendant la 1ère Guerre mondiale, les pâtes sèches sont déclarées produits de première nécessité et vont dès 1939 gagner, auprès des Pouvoirs publics, leurs galons d'aliments nourrissants et bon marché propres à répondre aux besoins des classes populaires... et devenir une branche à encadrer avec contrôle des prix. Après 1945, une longue phase de concentration industrielle va placer la jeune entreprise de Niort, Panzani, au premier plan du marché et, dans les années 1960, en position de duopole avec Rivoire & Carret (à elles deux, ces sociétés représentaient 70 % du marché en 1972) et au cœur de la dynamique du groupe Danone.
Un livre érudit et savant qui fourmille d'informations peu connues du grand public qui permettent de " mieux saisir la diversité des acteurs et des dynamiques, culturelles et sociales, économiques et politiques, managériales et techniques, qui ont forgé une des branches de la première de nos industries".
Pierre-Antoine Dessaux est maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Tours et chercheur à l'UMR 7324 CITERES.
Vermicelles et Coquillettes, Pierre-Antoine Dessaux, Presses Universitaires François Rabelais